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en traversant les villages, les paysans nous dirent :

— Ça, c’est les chevaux de M. le comte un tel ou de M. le baron un tel, qu’ils ont volé dans les écuries du château.

Comme nous arrivions au bout du ravin, nous entendîmes des voix dans un taillis, et l’une de ces voix disait :

— En voici un qui a encore sa croix sur la poitrine.

C’étaient deux hommes de Givonne qui étaient venus voir leur champ et avaient découvert, sur la lisière du bois, le corps d’un lignard. Ils conjecturaient comment ils feraient pour l’enterrer et s’il ne valait pas mieux revenir le lendemain avec des pelles.

Le trépassé gisait, maculé de sang et de boue. Une de ses mains, crispée à la cartouchière, semblait vouloir en soulever le couvercle de cuir. Et petit à petit, le sol avait cédé sous la pesée des reins qui s’étaient enfoncés, tassant les mousses spongieuses.

Noir et terreux, le pauvre mort, montrant les dents sous une moustache hérissée, souriait épouvantablement. Quelqu’un ouvrit la poche