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voulu quitter sa forge, qui est à l’entrée du bourg, voisine d’une auberge décorée d’un soleil en fer blanc à rais ébouriffés. Les paysans, au bon temps, descendaient de cheval à la porte du brave homme et ne manquaient jamais de le convier à une chope à l’auberge du Soleil d’or. Aujourd’hui l’auberge était vide et l’enclume muette. Personne n’offrait plus à boire au ferrant et il rôdait, bourru sous son poil roux, ayant mis bas son tablier de cuir. Quelques-uns étaient restés par cupidité.

La fumée de nos pipes nous ayant altérés, nous entrâmes dans une maison sur la porte de laquelle se balançait une branche de sapin, au risque de nous entendre dire pour la centième fois que les Prussiens avaient tout bu.

Une petite femme, jaune et sèche, nettoyait là, dans une chambre enfumée, des bretelles de tambour. Elle vint à nous, et comme nos souliers à clous faisaient du bruit en écrasant le sable sur les carreaux du sol, elle nous montra quelque chose dans la chambre en mettant le doigt sur la bouche.

— Chut, dit-elle, il dort.