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douteuses, montaient un perron en raidissant leurs bras pour maintenir horizontalement les brancards, et comme des ombres rentrant au sépulcre, disparaissaient dans la profondeur des corridors. Et pendant que les porteurs, cadençant leur marche, battaient le pas pour que l’un n’allât pas plus vite que l’autre, des hurlements se mêlaient au bruit régulier de leurs talons sur le pavé.

Parfois quelqu’un retirait de la paille une jambe, un bras ou une main. Il y avait des moments d’épouvantable confusion.

— À qui ? demandaient les infirmiers.

— À moi, râlait une voix.

De certaines fois, personne ne répondait.

Sur un brancard s’étalaient quatre ou cinq de ces horribles débris non réclamés, et des blessés les regardaient, blêmes, les sourcils levés, pensant au martyr de leur propre chair.

Tout à coup il se fit un mouvement.

Un soldat français était demeuré dans un caisson. Deux hommes montèrent, robustes, carrant leurs épaules, comme pour une besogne difficile.