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Nous ne distinguâmes d’abord par terre que des tessons de bouteilles, des ossements de bêtes tuées, des bidons de cantine et la cendre des bois qui avaient servi à faire les feux.

Mais plus loin, des timons de charrettes, des sacs, des morceaux de vêtements, des crosses de fusils, des baïonnettes sans pointe, des sabres sans garde, des souliers, des longes, des étriers, des fers de chevaux formaient un fouillis.

Dans un pli de terrain quelques centaines de piquets s’alignaient, fichés en terre, sur une double rangée ; et c’était particulièrement le long de ces piquets que la terre, très remuée, semblait avoir été passée à un âpre et violent hersage. À tout bout de champ nous glissions dans des mares rouges, accrues par la pluie, et faites de sang et d’urine mêlés, dont le dessus bouillonnait, avec des claquements secs de petites vésicules crevant à l’air. Et de la paille croupissait dans ces flaques, répandant une forte odeur chevaline.

Évidemment nous étions dans un campement de la cavalerie.

À mesure que nous marchions, les traces des feux de bois devenaient plus fréquentes.