Page:Lemonnier - Les Charniers, 1881.djvu/56

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des ressorts ; on voyait saillir alors, en reliefs nerveux, les veines de son poitrail argenté. Des maquignons plongeaient leurs doigts dans ses naseaux.

— Cent francs, dit à la fin un gros rougeaud en blouse.

— Prenez, dit l’officier, sans regarder l’homme.

Celui-ci dépocha une liasse et fourra un billet de cent francs dans la main de l’officier. Une lutte se peignit sur les traits de ce dernier.

— Jamais ! cria-t-il tout à coup en rejetant le billet.

On eût dit qu’il se réveillait d’un mauvais sommeil.

— Pardon, messieurs, ajouta-t-il, je ne peux pas : j’aime cette bête-là. Mon frère a été tué dessus, et j’ai fait avec elle dix batailles. Quand je la vendrai, je me vendrai avec elle.

Il prit la crinière de l’arabe dans ses doigts :

— Allons ! ma vieille ! il faudra nous faire tuer. Ça vaudra mieux.

Une hilarité creva en ce moment par dessus la foule : c’était une des filles qui venait