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— Toi qui es en vie, dis à nos mères, à nos femmes, à nos frères, à nos amis qu’ils pensent à nous dans ce monde et dans l’autre.

J’ai recueilli alors ces battements de cœur épars et j’ai conjecturé dans mon âme ; puis, ouvrant la main, j’ai lâché ces oiseaux de la mort aux quatre vents.

Je n’ai gardé depuis que les lettres sans indication d’adresses.

Dieu ! qu’elles sont toutes navrantes ! On sent monter l’agonie derrière ces vivants. À peine ont-ils eu fini d’écrire qu’ils sont tombés.

Qu’on me permette d’ouvrir un instant cette poste d’outre-tombe.

Voici une traduction de l’allemand : c’est la lettre d’un mari à sa femme :

« Ma chère femme, je pense toujours à toi et je me demande quand je serai de retour dans la petite salle à manger. Soigne-toi et prends beaucoup de thé, mais ne le fais pas trop fort, car le thé fort agite les nerfs. Hier, me trouvant avec Hans et un vieux camarade de Francfort qui m’a sauté dans les bras en me criant : « J…. J…, comment vas-tu ? » j’ai pris quelques grains du thé que tu m’as