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XLII


Tous ceux qui, comme moi, ont fait le sinistre pèlerinage de Sedan ont ramassé dans le sang et la boue de petits carrés de papier chiffonnés et sales, lettres d’amis, lettres de mères, lettres de fiancées, lettres de grand’parents, portant encore ou la trace des larmes, ou la marque des doigts et survivant aux pauvres soldats comme pour témoigner d’un cœur éteint à présent.

J’ai lu avec douleur et respect ces échanges d’âmes et de pensées entre des morts et des vivants. Une grande ombre me serrait le cœur et il me semblait que le malheur faisait de moi l’ami de tous ces trépassés. Ils sortaient à demi de la terre et me disaient :