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— En vérité, une seule disparition est digne de l’homme : le feu. Oui, pardieu, le feu purificateur. Il faut que l’homme s’anéantisse entièrement dans sa grâce et sa beauté, sans passer par les souillures du temps.

— Cet homme a du cœur et de la raison, me dis-je en poussant mon cheval dans la plaine.

De la hauteur on voyait distinctement Givonne, sa petite église où flottait le drapeau des ambulances, sa grande rue pleine de monde et son abreuvoir luisant comme une grande ardoise, où les soldats menaient boire leurs montures.

Devant soi, en laissant Givonne à sa droite, on distinguait le petit village de Balan avec ses maisons blanches avancées. À ses pieds on avait la route qui serpentait couleur de craie mouillée et où roulaient incessamment des convois de blessés.

Nous rencontrions souvent de petites zones étroites et longues dont la terre avait été fraîchement remuée. Des croix faites de lattes et labourées d’inscriptions au crayon s’élevaient dans ces endroits. C’étaient la plupart du temps des sépultures allemandes ; dans la grande tran-