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— Comme les anciens.

— Et comme les modernes. En 1814, autour de Paris, on avait fait ce qu’on fait à Sedan aujourd’hui, c’est-à-dire qu’on avait enterré à trois pieds ce qui a besoin d’être enfoui deux fois plus profondément. On sentit venir la peste et l’on prit un grand parti. Le seul parti du salut public, monsieur : on brûla. Eh bien, comme en 1814 et bien plus qu’en 1814, il n’y a qu’une chose possible à cette heure : c’est d’ouvrir les fosses, d’en enlever les morts et de les réduire en cendres.

— Entre toutes les manières de faire disparaître les morts, celle-là est la plus noble, la plus touchante et la plus raisonnable.

— La seule raisonnable, parce qu’elle a pour elle le cœur et le bon sens. D’où proviennent les trois quarts du temps les épidémies dans les villes ? De l’approche des cimetières. L’air en passant sur ces charniers en fermentation se charge de pestilence et sème au vent d’été des germes de mort. Il n’y a pour moi dans la tradition de l’enterrement qu’une certaine poésie abstraite qui lui vient du symbolisme religieux. Enlevez la fiction sentimen-