Page:Lemonnier - Les Charniers, 1881.djvu/266

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lui dis-je en le saluant. Pourquoi croyez-vous que ce soit à recommencer dans deux mois ?

— Parce que si dans deux mois on n’enterre pas à dix pieds ce qu’on enterre à présent à trois pieds, la France, la Belgique et l’Allemagne auront la peste, une peste épouvantable.

Il se leva, croisa ses mains sur sa bêche et reprit :

— Oui, une peste comme on n’en aura pas encore vu. — Ah ! vous faites la guerre ! vous enlevez père, fils, mari et frère à des meurt-de-faim ; vous anéantissez les familles, vous exterminez les hommes, et vous mettez pourrir tout ça dans la terre où Dieu fait venir les blés. — Eh bien ! vous en serez récompensés par la peste, le typhus et le choléra ; le monde sera semblable à une léproserie et les hommes courront dans les rues en montrant leurs gales. — La gloire ! Ah ! nom d’un tonnerre, la voilà, la gloire !

— Monsieur, lui dis-je, c’est absolument ma pensée. Mais que faire de tous ces morts ? Est-il possible d’empêcher qu’ils ne dévorent les vivants ?

— Oui, en les brûlant.