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Le chirurgien examinait en ce moment les tronçons de jambes du zouave :

— Du courage, vieux. Ça ne sera pas long.

— En joue fixe ! fit le zouave.

Il mit sa moustache dans ses dents.

Je vis, à travers le groupe des aides et des infirmiers, le bras nu du chirurgien qui remuait horizontalement et puis diagonalement quelque chose de blanc. Certainement les blessés faisaient une grande rumeur en se lamentant et leurs râles remplissaient l’église ; mais tout cela n’empêchait pas d’entendre le grincement de la scie qui mordait les os du zouave.

Le chirurgien leva le bras qui tenait la scie et frotta du revers de la main la sueur de son front.

La scie, étroite et longue, laissait des gouttelettes à chacune de ses dents.

Il y eut un mouvement dans le groupe : on déposait à terre un tronçon.

— Encore une seconde, mon brave ! dit le chirurgien.

Je passai ma tête dans le créneau des épaules et je regardai le zouave.