Page:Lemonnier - Les Charniers, 1881.djvu/251

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il avait gardé sa veste, et ses jambes étaient emmaillottées vers le bas dans des lambeaux où suintait du sang.

Le médecin se mit à enlever ces lambeaux, mais ils collaient l’un à l’autre, et le dernier adhérait à la chair vive.

On versa de l’eau chaude sur le grossier bandage, et à mesure qu’on versait l’eau, le chirurgien détachait les loques.

— Qui t’a amidonné comme çà, mon vieux ? demandait le chirurgien.

— C’est le camarade Fifolet, major. Ouf ! Ça me tire jusque dans les cheveux. Il avait eu le cul emporté et moi les jambes. Et je lui dis : Fifolet, nous voilà bien tombés. Oui, qu’il me dit, je vas devoir remplacer mon assiette par une écuelle. Et puis, pan ! v’là qui tombe le nez en terre, sens dessus dessous, quoi ! J’arrache la capote d’un Prussien qui disait : Gniou ! gniou ! en faisant sa paillasse avec les ongles, et je lui enveloppe ça, au camarade Fifolet, le mieux que je peux. Là-dessus il se relève et j’ai le temps de crier : Cré nom d’un ! Je tombe à mon tour, il arrache sa veste, et la v’là à mes jambes, major.