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du ciel comme pour lui demander s’il n’allait pas bientôt faire cesser de pareilles horreurs.

Eux, les soldats, contents et nourris, passaient en clamant, conduisaient les chevaux à l’abreuvoir, nettoyaient les couloirs, et comme s’ils étaient chez eux, entraient, sortaient, se mettaient aux fenêtres, culottaient des pipes, fumaient des cigares et menaient un tapage qui faisait hurler dans leurs niches les maigres chiens de garde. On les apercevait, assis sur des tables devant la fenêtre ouverte, raccommoder leurs habits, nettoyer leurs gibernes, fourbir leurs fusils, lire les journaux ou faire la sieste sur le ventre. Il y en avait qui, les pieds ballant hors de la fenêtre et renversés sur le coude, s’amusaient à pousser des ronds de fumée, la bouche en bec d’amphore. Les vieux sacraient en roulant les yeux, les officiers tempêtaient en tapant du poing. Des amis se lutinaient à coups de sabre. Par moments un loustic mettait en joue le passant, criait : boum ! et relevait son fusil en se tordant de rire.

Des fourgons roulaient au galop ; les fouets crépitaient ; les chevaux hennissaient ; des envolées de crinières se mêlaient aux bâches