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Les zouaves au front braisé hérissaient sous leur moustache frémissante leur lèvre gonflée de mépris. La barbe des sapeurs tremblait d’indignation. Et quelquefois des mains crispées faisaient des gestes vagues qui ne s’achevaient pas. La haine, comme une lave, bouillonnait au fond des cœurs, et ces prisonniers rongeaient leur frein. Dans leur œil flamboyant et qui dévorait le prussien, on lisait un cri d’angoisse et d’appel : Des armes ! des armes ! La honte rougissait les fronts ; ils n’osaient regarder en face d’eux ; presque tous étaient courbés vers le sol ; il y en avait qui pleuraient. Des armes ! Et ils n’avaient que des bâtons pour se soutenir, leurs corps vacillants les portaient à peine et la chair blêmissait à travers leurs lambeaux.

On a dit que ce n’était plus l’armée française : je ne dis pas non, car il n’y avait plus d’armée possible sous le dernier des Bonaparte ; mais je vous jure que c’étaient encore des Français. Que la République eût pu lancer, au lendemain de Sedan, ces agonisants sur ses champs de bataille à elle, leur râle se serait mêlé au bruit des canons, ces moribonds se fussent redressés,