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— Au moindre danger rejetez-vous sur les cordons, me dit le porte-drapeau.

Quelques voix crièrent : Sus ! Tue ! Tue ! Une bande de zouaves courait les bras ouverts et hurlait : À mort les Prussiens ! On entendait aussi le cri lugubre : Du pain ! du pain ! Des turcos s’étaient rués sur le mangeur de biscuit et le tapaient à coups de poing dans la figure.

Un petit turco court et trapu lui jeta autour du ventre son bras nerveux et nu et se mit à fouiller dans ses poches, cambré sous le poids du lignard qui battait des jambes.

Les Bavarois entrèrent au pas de charge dans le camp, baïonnettes en avant, et dispersèrent la bagarre. Des huées retentirent et de la terre, des pierrailles furent jetées. Tout à coup l’ordre se refit.

— Voilà qui est mauvais, dit le fæhnrich. Ils s’apaisent trop vite.

La veille, un commencement de révolte avait éclaté et l’on avait eu quelque peine à la réprimer. Les Français s’étaient précipités en masse du côté des Prussiens, mais ils avaient rencontré les baïonnettes et les canons braqués. Les plus exaltés s’étaient mis alors à courir sur les