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— Venez avec moi. Je suis fæhnrich. Nous verrons le colonel.

Fæhnrich équivaut à porte-drapeau.

En route nous rencontrâmes un jeune officier que le fæhnrich aborda en français avec ces mots :

— Lieutenant, voilà un monsieur qui voudrait voir le camp.

— Fort bien, dit l’officier en me saluant. Allez voir le commandant, monsieur.

Le commandant était au café, buvant de la bière et fumant dans une grande pipe dont le fourneau en porcelaine pendait entre ses jambes. C’était un gros petit homme à lunettes, l’habit boutonné jusqu’au cou et le poing sur la cuisse.

— Hein ? fit-il, quand il vit le fæhnrich.

Le fæhnrich lui parla en allemand en me montrant du pouce, par dessus son épaule.

Le gros homme fronça les sourcils et rejeta trois fois la fumée de sa pipe en faisant claquer ses lèvres. Il branlait aussi la tête d’une épaule à l’autre, tapait sa cuisse du poing et grommelait : — Och ! och ! comme un homme impatienté.