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Et je poussai résolument du côté du pont.

Le camp des prisonniers était de l’autre côté, à ciel ouvert. On voyait une quantité d’hommes allant et venant, si serrés que la couleur du sol s’apercevait à peine sous le battement de leurs pieds. Deux sentinelles se promenaient sur le pont, l’arme au bras, d’un pas lourd et cadencé, se croisant régulièrement au même point.

Je voulus passer : une des sentinelles m’arrêta.

— On ne passe plus, fit une voix derrière moi, depuis que les Français sont devenus menaçants.

Je me retournai : un officier Saxon, belle mine, flegmatique, me toisait du haut de ses énormes épaules.

— Bien obligé, lui répondis-je, mais n’y aurait-il pas un moyen de lever la consigne ? Je suis…

En même temps j’ouvrais mon étui et lui poussais un cigare dans la poitrine.

— Peut-être, me dit-il, après l’avoir allumé.

Il réfléchit un moment et me dit brusquement :