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de la lune, une rumeur terrible s’était répandue comme la foudre dans la ville. Brisés par les fatigues du jour, les habitants de Sedan ne luttaient plus qu’à demi contre le sommeil. Une à une, les lumières s’éteignaient derrière les vitres et tout rentrait dans l’apparence du repos.

Tout à coup des femmes passent en courant dans les rues, les mains au-dessus de la tête, en criant :

— La ville est minée !

À ce cri les fenêtres s’ouvrent, les lampes s’allument dans les maisons, des groupes apparaissent sur le seuil des portes, on se lamente, on crie. Des Prussiens tirent leur sabre en hurlant et battent en retraite du côté des remparts.

Les officiers français bouclent à la hâte leur ceinturon et descendent sans épaulettes. Les mères pressent avec effarement les enfants sur leurs seins. L’agitation croît, court de rue en rue, se répand jusqu’au quartier-général. Mais déjà des citoyens courageux se sont dévoués : ils offrent leurs corps aux sabres prussiens, montrent l’excès de la peur engen-