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et que cette humble défense d’un village pèse plus aux balances de l’histoire qu’un bloc de victoires prussiennes.

— Non, dit mon chirurgien, ils ne le verront jamais.

— À propos, exclamai-je, en faisant venir une troisième bouteille, expliquez-moi, je vous prie, pourquoi les infirmiers prussiens portent le sabre.

— Ah ! voilà. Ils sont tout à la fois infirmiers et soldats.

— Je ne sais, ajouta-t-il, ce qu’il faut admirer le plus dans cette création ou de la cause ou du prétexte. D’une part, rien n’est plus prévoyant que d’avoir à l’arrière-garde un régiment composé uniquement d’infirmiers pour faire disparaître les morts dès que l’action est finie, et d’autre part, rien n’est plus habile que de mettre sous la protection de la convention de Genève ce même régiment parfaitement armé pour faire le coup de feu. Le même homme est tout à la fois sauvegardé comme soldat et sauvegardé comme infirmier, en sorte qu’il peut profiter à la bataille comme soldat de ce qu’il a vu aux ambulances comme infirmier, sans être