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fant de vingt ans se débattre dans des étreintes infâmes.

La bousculade avait tout à coup fait trébucher la lampe qui s’était éteinte dans son huile, et il avait entendu un piétinement continuer dans le noir.

On ne saurait imaginer la peur de ces campagnards quand ils parlaient des Prussiens. Les uhlans, comme des démons vomis par l’enfer, grimaçaient férocement à travers leur apathie, compliqués d’une sauvage horreur par leur similitude avec les cosaques dont on n’a jamais cessé de parler le soir dans les fermes. Ces pauvres et lourds valets de terre, plongés dans les bourbes de la plus crasseuse ignorance, avaient, dans l’oblitération de leur sens moral, la couardise têtue des vieux nègres tannés par le rotin de bambou. Domptés comme les brutes par la peur, ils se fussent mis du côté des Prussiens pour empêcher qu’on leur résistât plus longtemps. J’ai recueilli de leur bouche des aveux qui peignent en pied la calleuse conscience de ces constants souteneurs du second empire.

— Les Prussiens nous ont fait du mal, nous disaient-ils. Mais il ne fallait pas se jeter en tra-