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La chaleur d’étuves qui cuisait les murs et rôtissait les solives faisait fumer nos habits trempés, comme de la bouillie. Nous allions de la table à la cuisine en nous séchant les reins à la braise qui enflambait les fourneaux.

Bientôt, une bouteille de petit bleu se mit de la partie et son glou-glou sec et vif claqua dans nos verres.

Quand le tiède petit vin coula dans nos gosiers avec son arôme de pierre à fusil, nous ne songeâmes plus à l’olivâtre pelure d’oignon des bourgognes en fleurs, ni à la pourpre sombrement luisante des vieux bordeaux, ni aux claires topazes fondues du champagne.

Ce petit jus acide arrosant le pain et la viande des prisonniers nous parut délectable comme le plus succulent raisin et nous roulâmes la dernière goutte au fond des verres pour en savourer jusqu’à la rinçure.

Nous ressemblions à des pestiférés encore souillés de la sanie des hôpitaux et qu’on roulerait tout à coup dans la saine frigidité des beaux draps de lit flamands.

Un coup de vin gai nous montait à la tête et en chassait les visions funèbres : la charo-