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traversaient les groupes et distribuaient des pelles à ceux qui n’en avaient pas. Cette foule se mit bientôt en branle et se divisa en plusieurs courants dans différentes directions. Nous suivîmes la colonne qui prit le chemin des fortifications et nous gravîmes avec elle la raide montée.

Les Sedanais furent admirables dans cette rude corvée : pendant une semaine entière, tous ceux qui purent s’arracher à leurs occupations s’assemblèrent chaque matin sur la place et jusqu’au soir, sans trêve ni repos, enterrèrent les morts.

On était au troisième jour et il ne restait plus que des cadavres perdus dans les bois. Par petites troupes de cinq à six hommes, les Sedanais battaient les buissons, exploraient les taillis, sondaient les fourrés. Ils avaient les vêtements en sang et leurs mains étaient crottées de glaise. La quantité de corps qu’ils ramassèrent les deux premiers jours leur fit peut-être presser trop leur sinistre besogne. Nous trouvâmes, en effet, près d’une lisière de bois, un grand carré de terre fraîchement remuée où la pluie avait mis à nu des restes humains. Un