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s’ouvraient en plus grand nombre et la vie de tous les jours recommençait. Le pâtissier mettait des gâteaux nouveaux à sa vitrine, entre des pots de confitures et des fioles de gelées. Le libraire se promenait en frottant ses mains devant son étalage et regardait si les livres étaient en place. Le bimbelotier agitait son plumeau à travers les bibelots rangés sur des tourniquets et soufflait la poussière en gonflant les joues. Le marchand de comestibles, en veste blanche et bonnet blanc, plongeait ses bras dans les poulets froids, les jambonneaux à collerettes, les gigots figés dans les jus, les ananas, les choux-fleurs, les poires, les melons et les raisins. Et tous ces vendeurs, qui ne perdent jamais à la guerre, calculaient à l’avance les gains du jour d’après ceux de la veille, déterminés à faire la bouche en cœur aux Prussiens.

Au coin des rues de grandes affiches s’étalaient, et des hommes étaient en train d’en coller d’autres par dessus. Sur un fragment d’affiche ancienne on lisait l’ordre, signé du maire, de laisser en paix les Allemands ; les nouvelles émanaient du major prussien com-