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Évidemment, ces gens-là fêtaient leur victoire et les caves mises à sac leur donnaient des gaîtés.

Des reconnaissances d’hommes à cheval nous croisaient sur la route, le sabre au clair. Quelquefois des galops ébranlaient le pavé, des estafettes disparaissaient ventre à terre dans la nuit. Ailleurs des cavaliers s’arrêtaient brusquement sous les fenêtres des maisons et heurtaient au volet. Le volet s’ouvrait : on échangeait des mots à demi-voix ; le cavalier donnait de l’éperon et la bête lâchait pied en faisant flamber le sol. Une bande de soldats battait la nuit, sur un rang, et cognait çà et là les maisons. Dans une boutique où il n’y avait plus qu’un carreau à la porte, une lueur tremblotait et deux hommes fourrageaient les recoins. Des fuites de silhouettes féminines s’apercevaient dans l’ombre.

Pas un bourgeois, d’ailleurs, ni un paysan sur la route.

Tout ce qui vit dans les faubourgs de Sedan s’était replié dans la ville, laissant les maisons à l’ennemi. Certainement il ne serait entré dans la tête de personne de vaguer à cette