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s’enquit des moyens de pénétrer dans Sedan.

Les quatre Prussiens se concertèrent entre eux, comme indécis. Visiblement le meilleur mode de persuasion était de leur donner encore quelque argent et je leur en donnai. Un rire creva leurs grandes barbes, dans la nuit.

Deux charrettes, que ces hommes précédaient, nous ayant rejoints, ils nous firent signe de monter dedans.

Nous prîmes place comme nous pûmes parmi les sabres, les fusils, les sacs et les casques, et la petite troupe, accélérant son trot, s’engagea à travers Bazeilles.

Il faisait nuit noire, et le village ressemblait à un grand éboulement de rocs et de pierres. Seulement, le sol était criblé d’une myriade de paillettes qui flambaient, et, par moments, ces flammèches, soulevées par les coups de vent, s’envolaient en petites nuées qui trouaient l’obscurité de points rouges. Des rubans de feu, entortillés autour des débris, s’échevelaient dans des lueurs jaunes et vertes. Il arrivait aussi que la flamme, ayant tout rongé et jaillissant tout à coup des tas calcinés, se dressait en hautes gerbes qui jetaient des pourpres sur