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qui sortaient en crépitant des bois grillés. L’odeur du brûlé se répandait alors plus fortement dans l’air et l’on sentait aussi par moments une autre odeur, indéfinissable et vague.

Deux auberges avaient gardé leurs enseignes et le feu n’avait pas effacé partout sur les murs le nom des habitants. Des charrettes chargées, les unes de tonneaux, les autres de bois, attendaient devant les portes le moment qu’on y mît les chevaux. Une jolie maison, à contrevents verts, était précédée d’un jardin, les délices du maître, car les fleurs s’y enroulaient en corbeilles. L’incendie les avait épargnées ; mais il n’avait pas épargné la maison dont l’intérieur avait croulé. Le vieux bonhomme qui chaque matin descendait en robe de chambre arroser ses plante-bandes ne remontera plus l’escalier en cendres.

Des tuyaux de cheminée grimaçaient dans le crépuscule fumeux, tordus, rechignés, penchés en arrière, sur des rebords de toits pantelants. L’ensemble de ces ruines dentelait de déchiquetures fantasques et rayait de hérissements farouches le soir blême. Quelques écussons de cuivre, mordus par le feu, pendillaient