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parents, et qu’il a bien fallu leur donner le grenier. Béni bon Dieu, prenez-nous en pitié !

Nous pénétrâmes dans le pavillon.

Il abritait quinze à dix-huit personnes, hommes, femmes, enfants, hâves, en guenilles, farouches. Un pêle-mêle de meubles sens dessus dessous encombrait la petite chambre. Dans l’âtre brûlait un feu de branches sèches. Un enfant tendait ses petites mains transparentes à cette chaleur, les pommettes enflammées, ayant par moments un tremblement dans les membres. La fièvre faisait claquer des os et des dents, ça et là. Et ils étaient tous tassés les uns sur les autres dans une buée fétide de sueurs et de pissats.

Une grand’mère tenait ses petits enfants dans ses genoux et s’écria à notre entrée :

— J’ai vu bien des choses, mais on ne verra plus celles que je viens de voir.

La mitraille avait décoiffé le pavillon d’une partie de sa toiture et cassé les vitres qu’on avait remplacées par du papier. Des balles entrées par les fenêtres avaient sifflé dans les chambres et troué la muraille. On me montra une glace de lavabo qui avait volé en pièces ; ailleurs, un