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passé. J’avais la conscience confuse d’avoir vécu lointainement comme un autre homme dans une autre planète. Je traînais alors une humanité esclave. Ensuite j’avais marché, avec une grande clarté devant moi : j’avais cessé de faucher dans un bref rayon les sensations de l’être ; il me parut que j’existais dans l’illimité des jours.

D’anciennes pensées se fortifièrent : je me persuadai l’inutilité de l’effort de l’homme pour aider au cours naturel de la vie. Toutes les choses s’arrangent d’elles-mêmes en vue de buts obscurs et il n’est pas nécessaire de les faire dévier à droite ou à gauche. Le ruisseau va devant lui, le fruit tombe de l’arbre, l’herbe pousse sur les tombes, et l’homme seulement, par de vaines ingéniosités,