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chands de porcs, Jean-Norbert engraissait une espèce bien en chair et de rapport fructueux. Bayard, alors, sentant sa journée finie, se mit à renâcler du côté de son auge et ils le renvoyèrent à l’écurie. Celle-ci était sans porte, l’ancienne ayant servi à faire du feu, un hiver que la disette avait été extrême. Jumasse, depuis, poussait une claie de paille tressée qui suffisait à tenir le vieux cheval au chaud. Mais la bête avait un ennemi plus redoutable que le froid : les rats, par bandes, l’assiégeaient quand elle s’affalait sur sa litière. Bayard était obligé de se redresser sur ses vieux boulets gonflés et, tout tremblant d’ire et d’effroi, envoyait des ruades en tous sens.

Le soir était tout à fait tombé quand Jean-Norbert, ses lapins au poing, pénétra dans la cuisine. Sous ses hautes travées où avaient pendu, par longues files, les jambons et les pièces de lard fumé, elle était spacieuse et nue comme une chapelle délaissée. Tout, d’ailleurs, avait bien changé : dans l’âtre qui au temps des seigneurs, avait vu rôtir à la broche des bœufs entiers, pendait à la crémaillère, par-dessus un maigre feu de brandes, la marmite où bouillait la garbure.

— V’là ce que môssieu mon père nous envoie à manger, dit le paysan en passant à Guilleminette les deux lapins.

L’Ensevelisseuse enleva la marmite, ranima