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l’hallali

citant. Sa présence ayant laissé quelque chose de crispé dans l’atmosphère, personne ne parla plus. D’ailleurs le vent à la longue les endormant, Jean-Norbert dit les prières et on s’en alla vers les lits.

Sybille, sans dormir, attendit tout habillée par-dessus la couverture que la maison fût endormie. Elle ralluma alors un bout de suif, se glissa jusqu’à la chambre de Jaja, donna un léger coup d’épaule dans la porte. La main en écran au lumignon, elle alla droit au lit, d’une fois rejeta la couverture. Jaja dormait, toute raide, les jambes ouvertes, ses mains à son ventre qui levait, déjà rond comme une petite lune. Se sentant découverte sous le froid, elle eut un mouvement, dessilla à demi les yeux.

— Oh ! oh ! oh ! criait Sybille d’une voix rauque.

Le mépris, l’orgueil de la race, la fureur bouleversaient son visage, tandis que, penchée par dessus sa sœur, d’un regard noir elle fouillait le secret de son pauvre amour d’innocente.

— Faut qu’il sorte ! On le donnera à manger aux porcs ! gronda-t-elle, en la tirant par les jambes et l’arrachant du lit.

Le corps, d’un bruit mou, toucha le carreau et avec la plante des pieds, comme le raisin d’une