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Alors, Pierre du marchand arrivait ; jamais elle ne le voyait venir, et tout à coup elle l’avait près d’elle, sournois et sifflant. Il lui apprenait à reconnaître les oiseaux à leur vol, les essences au tremblement des feuilles, le passage des bêtes aux égratignures du sol.

Celui-là était déjà un vrai homme et qui connaissait tout : il vivait chez les bêtes comme dans sa famille. Il lui parlait toujours des arbres de chez eux à la limite du village. Ah bien ! c’était autre chose que leur chênaie, aux Quevauquant, un lopin quoi ! et qui lui faisait hausser les épaules. Là-bas, il y avait du lapin, de l’écureuil, des ramiers, des merles, du renard et du chevreuil. Des braconniers quelquefois tiraient sur les gardes, c’était amusant : on avait du plaisir à abattre une proie qu’il fallait leur disputer. D’ailleurs on ne finissait pas de faire le tour de la forêt. Et d’un rond de bras, il indiquait une circonférence où tenait toute la terre. Une fois il raconta qu’il avait dû achever un renard à coups de couteau. Ce jour-là elle lui avait trouvé une beauté terrible : ses yeux lumerolaient comme des cailloux, et elle l’avait écouté parler comme elle eût écoulé un jeune bon Dieu.

Jaja dormait de son lourd sommeil quand quelqu’un sortit de l’ombre et s’avança jusqu’à l’arbre. Ses narines battaient ; un rire cruel lui