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Des roues écrasèrent les graviers, dans un tintement de gourmettes. Comme on se tenait au bas du perron, on chercha Sybille. Elle avait disparu. Joséphin déclara qu’il l’avait vue remonter l’avenue : elle marchait à grands pas. Peut-être elle avait pris, au bout, la route. Barbe, très agitée, se mit à hucher, la main en cornet ; sa voix grêle et haute s’effila dans le cri prolongé des femmes de la plaine : il se perdit à travers les végétations serrées. Alors elle se désola, les paupières flasques et gondolées.

— Allez, c’est une Quevauquant, celle-là. Réchue comme une bête qu’a senti le taon. Sûrement la voilà courant par la fagne et c’est l’heure des sotais. Malheur à moi !

Mais Lechat, familier, lui tapant l’épaule, la rassurait :

— Laissez donc, mame Jean. Les sotais, c’était bon au temps des vieilles gens. Nous rattraperons votre fille en chemin, j’en fais le pari.

On la hissa, toute venteuse de soupirs, et sitôt la barrière dépassée, les petits chevaux s’allongèrent au trot. L’ombre se massait, la plaine entra dans la nuit et ils ne voyaient pas Sybille, partie devant elle, par les petits sentiers de bruyères, dans un besoin crispé de rancune et de mépris solitaires.