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— Viens demain. Guilleminette aura mis cuire le pain. J’t’en bouterai un morceau.

Lui, fils d’un homme riche chez qui le pain ne manquait jamais, riait très haut et, comme elle tout à l’heure, disait :

— Ah ben… ah ben…

Ses yeux s’étaient plissés, narquois, tout petits comme des baies de myrtille et il ne la regardait pas, il regardait au-dessus d’elle très loin comme un chat. Toute malveillance était tombée : il sentait bien que c’était à jamais fini de lui jeter des pierres ; cependant il n’aurait pas fait un mouvement pour lui témoigner de l’amitié. L’âme douce de Michel, au contraire, eût été heureuse de se donner à ce garçon qui, en sauvant sa sœur, venait de faire une chose que lui n’aurait pu faire.

Le bon soleil les eut bientôt séchés. Tous trois s’étaient couchés sur le ventre, dans les plantes du bord de l’eau qui leur montaient par delà la tête.

— Comment qu’on t’appelle ? fit Jaja en le regardant de ses yeux sauvages.

— J’suis le fils à Biatour, Pierre du marchand qu’on dit.

— Moi, j’suis Jaja. C’est tous des barons chez nous. Et quoi que tu fais ?

— J’vas au bois, j’tue les bêtes quand j’suis