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musait : elle aimait voir passer l’épinoche à l’arête aiguë et bouillonner l’eau par-dessus le frétillement de l’anguille. Çà et là, des écumes moussaient où fermentait la naissance des organismes élémentaires. Elle, qui n’avait d’intelligence pour rien, se trouvait là des sens actifs et ouverts pour s’intéresser à tout un monde mystérieux. À la force des poignets, elle avançait le buste, se tenait suspendue par-dessus les lianes, les fucus, les petits coquillages, l’errance d’un nuage reflété comme un ballon soyeux dans la profondeur.

D’un cri aigre elle observait la chasse, l’amour, le meurtre, elle-même prise à la ruse et à la cruauté de cette faune vorace, rapide et féroce. Pour tromper la faim, elle mâchait des touffes de cresson ; sa soif, elle la calmait en suçant la menthe poivrée. Et le soleil s’abaissait, l’après-midi froidissait, elle n’était jamais pressée de rentrer.

Un jour elle était là. Michel qui, cette fois, n’était pas allé à l’école, près d’elle doucement, du bout des orteils, les jambes nues jusqu’aux genoux, remuait l’eau sous les filaments gras des longues herbes. Par jeu, en riant, elle se laissa couler jusqu’aux cuisses, puis avança, à mesure relevant son penaillon de robe. Un soleil d’après-