Page:Lemonnier - L'Hallali, sd.pdf/199

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
l’hallali

assise auprès de lui, Sybille, en vis-à-vis, le dos aux chevaux. Mais le coffre et le carton à chapeaux qu’on leur délivra à la gare les obstruèrent ; Lechat, sans marchander, fréta une guimbarde, qui se chargea de les déposer à Pont-à-Leu.

Déjà, Barbe ne pensait plus à ses malheurs. Elle s’efforçait de garder une attitude digne, le buste tendu, réagissant contre la détente des ressorts. Sybille, elle, face au petit homme, n’évitait pas toujours le regard qu’il égarait jusqu’à elle et qui lui causait un étrange malaise dégoûté. Néanmoins, il semblait surtout préoccupé de leur faire admirer la vitesse de ses cobs, correct comme un homme qui a connu les bonnes maisons.

L’odeur du cuir verni, l’afflux poivré du poil des chevaux la grisaient légèrement et dilataient ses narines. Un soleil d’après-midi de mars mettait à sa peau bise de petites lumières frémissantes qui lui ricochaient dans les yeux. Parfois, il était obligé de se pencher à droite et à gauche, pour apercevoir la route, derrière ses épaules, par-dessus la tête des chevaux. D’ailleurs, très à l’aise, leur parlant de sa maison, de ses propriétés, de ses affaires, avec son assurance d’homme à qui tout avait réussi.