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l’hallali

Sybille ne consentit à se rendre chez sa grand’tante Élisabeth qu’à la condition de n’y demeurer que le temps d’une visite. Elle avait nettement déclaré à sa mère qu’elle était résolue à gagner le train sitôt après, sans attendre que Jumasse selon son habitude vînt les reprendre avec la berline. Elle-même se chargea de faire porter le coffre et les cartons à la gare.

Toute la famille sembla osciller sur ses bases quand Sybille fit part de ses intentions à son imposante parente. On les avait reçues au petit salon du rez-de-chaussée, le grand demeurant toujours clos dans un silence de vieille pièce où les housses ressemblaient à des suaires par-dessus des fauteuils désaccoutumés des vivants.

La tante Élisabeth, assise, les mains sur les genoux, dans une rotondité d’idole encore exagérée par l’ampleur des jupes, se tourna vers l’oncle Aurélien et dit simplement :

— Vous l’avez entendu, mon frère ?

Elle avait des yeux bleus, d’un froid d’acier, dans un grand visage qui, élargi dans le bas par les bajoues, s’étrécissait à mesure vers le haut entre des bandeaux beurre frais, dessinant ainsi la forme d’une grosse poire.

L’oncle Aurélien, tout rose sous le frisottis d’une perruque jaune, les joues glabres et luisantes, aussitôt donna des signes de la plus inso-