V
e buron du vieux Lerminia était situé à mi-côte d’un hameau
très pauvre, juché sur une butte pelée, et qu’en dérision de la
misère de ses habitants, presque tous des mineurs, on appelait dans
la contrée la Californie. Un semblant de rue, coupée d’une rigole
où coulaient les eaux ménagères, les pissats des porcs et les déjections humaines, zigzaguait à travers l’agglomération, relié par des
sentiers à la grand’route pavée filant, vers la droite, sur Happe-Chair,
et de l’autre côté, longeant les acculs des marmenteaux d’un
comte Barral de Marloies, vivant presque tout l’an dans ses terres
de l’Ardenne. Les petits rentiers du Culot évitaient le hameau,
prétendant qu’il était périlleux d’y passer : ils préféraient contourner
la bosse, un ancien terri de charbonnage, où petit à petit, sous les
engrais et la sueur de l’homme, avaient poussé un peu d’herbe à
pâturer, quelques pommiers et dans les courtils clos de haies, des
choux, des laitues, des haricots, des pommes de terre, l’unique
nourriture, avec l’oing des verrats, de ces ménages vraiment
maupiteux. Une centaine de maisonnettes, les unes hourdies en
torchis, les autres bâties en briques sans badigeon, toutes également
sales, délabrées, les toits défoncés, s’épaulaient là de guingois sur
les cabossements du sol, comme déviées la plupart en un tremblement de la montagne.
Par les portes ouvertes s’apercevaient des intérieurs puants et noirs, tout grouillants de marmaille pouilleuse et de revêches maritornes, dépoitraillées, la tignasse croulante. Les hommes, occupés à la bure, aux carrières, à l’usine, quelquefois étaient vus dans leur champ, derrière la maison, avec des figures mâchurées de houille ou grasses de cambouis, remuant la terre grièche, de leurs bras lourds de douze heures de fardeaux maniés. Ils passaient pour querelleurs et pillards, robant le gibier au bois et les poules aux