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été saccagée, et à califourchon sur les genoux de l’homme, elle le mignotait, tous deux enlacés.

— La garce ! la garce ! bredouilla-t-il, la prunelle démesurément élargie, sentant s’allumer soudainement dans sa chair un feu de concupiscence.

Créquion fut obligé de l’arracher de là, râlant, soufflant par les narines une haleine enflammée ; il l’entraîna par le taillis.

— À c’t’heure qu’t’as vu, toi qu’es l’camarade à Huriaux, faut pas coïonner, faut to li aller dire.

Mais un peu de stupeur était demeuré sur le colosse dont l’esprit vaguait en arrière vers ces pénombres où la femelle s’était irradiée, obscène et superbe, avec la troublante attirance de sa nudité.

— Qui ! mi ? hogna-t-il, se rebroussant presque contre celui qui le ramenait à la droiture, en pleine défaillance de lui-même, s’oubliant à désirer cette propriété sacrée d’un ami.

Et toujours il répétait d’un sourd accent d’obsession :

— La garce ! La garce !

Alors le rusé patrocina, enfonçant patiemment dans ce lourd entendement l’idée d’un irrémissible devoir, s’apitoyant sur le sort de Huriaux, dans le nid de qui un coucou venait de pondre et qui peut-être couverait, abusé, cet œuf d’un autre. Les oreilles du pétras petit à petit se dressèrent ; il remua les fauves broussailles de son chef, bornoya dans le vide comme s’il y suivait le vol d’une pensée, et frappant l’air d’un coup de poing :

— T’as raison, Patraque. Ti vaux cor’ mieux qu’moé. J’suis qu’un cochon.

Et ils descendirent à grandes enjambées la côte, Créquion le stimulant pour qu’il courût tout chaud chez Huriaux. Mais, à une portée de fusil des Fanfares, Capitte s’arrêta, fourragea sa tignasse à pleines mains, perdant tout à coup le courage :

— L’ pauv’fieu ! ça m’ fout la colique ! J’li dirai un’ aut’ fois, quand j’aurai bu un coup d’trop.

— Et pendant c’ temps, l’ coucou pondera todi, f’ra todi ses mannestés ? Tiens, j’vas t’dire, t’es qu’un losse et eun’ berdouille.

Capitte bondit sous l’injure.

— T’en as minti… Paie la goutte et ti verras !