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clarté, la pensée dominante exprimée avec force, quelquefois avec éloquence. Les personnages vivent et, plus encore, vibrent, leurs gestes arrivent au maximum d’intensité. On n’a qu’à voir, pour s’en rendre compte, le Départ de l’Empereur, les Révoltés du Caire, où il y a des corps d’Arabes si prodigieusement aplatis dans leur prosternement.

Gros excelle à se servir des noirs et des blancs pour obtenir de beaux effets de lumière ou même pour donner l’impression des masses. Dans le croquis de François Ier et Charles-Quint allant à Saint-Denis, un des plus poussés qu’il ait faits, il y a des effets de ce genre véritablement remarquables et qui sont presque de la couleur. Presque partout l’exécution, insoucieuse du détail, préoccupée de l’ensemble plastique, fait penser à certains croquis de Rembrandt (mais ceux-ci combien supérieurs !) ou annonce la manière de Géricault et de Delacroix.

Observation curieuse, ce dessinateur, si libre, si abandonné à son instinct dans ses croquis, et dont certaines esquisses peintes, comme celles du Musée de Montpellier, montrent qu’il était capable de franchise et de charme, s’attache dans ses tableaux à la correction impeccable (que d’ailleurs il n’atteint pas), au fini académique, à la recherche de la forme étudiée. Il est en cela de l’école de David et « l’homme des rotules », tout comme son contemporain Regnault. Il lui arrive ainsi de se refroidir à force de s’appliquer. Ce défaut est poussé à l’excès dans ses œuvres classiques ou qu’il croyait telles.