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En 1884, il écrit à Ramiro : « Il faut que je me renouvelle entièrement ou je suis fichu ». Le temps passe, les années, la vie : il a la soixantaine et il écrit à Champsaur : « Mon art n’est pas, n’existe pas. » Jusqu’à la fin il sera celui qui se cherche et désespère de se trouver quand déjà on le proclame un ouvrier d’éternité. « Je suis resté au seuil », dira-t-il encore, peu de temps avant la mort.

Poulet-Malassis, en artiste délicat et difficile, faisait alors ses elzevirs à petits tirages sur papier vergé, avec exemplaires de choix sur  Chine et sur Hollande. Ils s’étaient connus à Paris, ils s’étaient revus fréquemment à Bruxelles. Malassis, qui s’était ruiné avec ses belles éditions des Parnassiens, était venu se fixer dans un faubourg, le même faubourg d’Ixelles où vivait Baudelaire, où avait vécu Proudhon. Il habitait, rue Mercelis, une petite maison étroite et banale à quelques cents mètres de celle qu’avait occupée, rue du Conseil, le philosophe quand, proscrit de l’Empire, il arriva sous le nom de « M.  Duport, professeur de mathématiques », demander à la Belgique un toit et du pain.

« Coco-mal-perché » vivait là d’une vie retirée et pauvre. Le voisinage se défiait, suspectait quelque industrie clandestine, troublé aussi par les allées et venues de gens à l’aspect insolite, typos, acteurs, poètes, écrivains. La tête de Baudelaire, incisive, blême, glabre, d’une intensité d’œil effrayante, parti-