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en forme de pinceaux, un foulard de soie blanche autour du cou, une tête où il y a du duelliste de Henri II et de l’Espagnol des Flandres. Une parole vive, ardente, précipitée où l’accent flamand a mis un ra vibrant… Il nous parle de cet ahurissement que produisit sur lui, sorti de son pays, le harnachement, le travestissement, l’habillement presque fantastique de la Parisienne qui lui apparut comme une femme d’une autre planète. Il nous parle longuement du moderne qu’il veut faire d’après nature, du caractère sinistre qu’il y trouve, de l’aspect presque macabre qu’il a rencontré chez une cocotte du nom de Clara Blume, à un lever de jour à la suite d’une nuit de pelotage et de jeu. Un tableau qu’il veut peindre et pour lequel il a fait quatre-vingts études d’après des filles. »

Ce tableau, Rops ne le peignit jamais ; mais il en éparpilla les morceaux à travers son œuvre gravé et dessiné au point qu’on l’y peut reconstituer tout entier dans son tourbillonnement multitudinaire. Ne le croyez pas pourtant gagné de cette petite folie du Grand œuvre qui s’empare des cerveaux un peu chimériques. Il ne le fut jamais : il garda toujours la tête froide, même aux heures de la célébrité, avec une sorte de doute et d’ignorance de soi-même qui lui fait dire à l’époque où les Goncourt égratignaient à la plume leur joli portrait : « Je n’ai pas encore de talent, j’en aurai peut-être à force de volonté et de patience. » C’est le même cri à travers tout son œuvre.