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il n’était pas insensible aux élégances déliées d’un Gavarni, à l’arabesque de ses silhouettes au trait, à l’esprit nerveux et joli de sa composition. Rien, toutefois, ne sentait le décalque et la contrefaçon ; il n’y avait que des analogies dans les moyens d’expression et dans l’accent comique, comme par l’effet d’une cérébralité sensible et répercussive, sans subalternité. Il fut visible qu’il leur avait demandé simplement leurs secrets et qu’il y avait ajouté ceux qu’il ne devait qu’à son ingéniosité personnelle. Un génie de peintre flamand perce dans ses jeux d’ombres et de clairs, en rapport avec le sens coloriste de la race. Nulle part il n’est linéaire, découpé, fil à plomb ; son dessin est estompé, macéré et peint ; il voit et dessine en coloriste pour qui la couleur est une sensualité.

Le Bruxelles qu’il a sous les yeux surtout alimente sa veine, un Bruxelles bourgeois et provincial, aux travers et aux ridicules spécialisés par l’habitat, et qui n’en demeuraient pas moins nuancés de quelque chose de la caricature de Paris. Rien que nuancés, car on ne peut s’y tromper : dans ce panorama de la grimace humaine, les masques, hures, groins, mufles et trognes, sont bien à lui et gardent le stigmate local. Quant aux sujets, généralement ils visent des particularités ou des événements de l’époque : Costume de la magistrature proposé pour 1857 ; Envahissement de l’armée belge par la crinoline ; M. Borsari soupçonné de porter la crinoline ; La traite des blanches ; En Ardenne, la saison des travaux, etc. Cela se subdivise en séries qu’il poursuit ou qu’il abandonne à mesure : il y a les Crinolithographies ; les Études bruxelloises ; les Actualités ; les Bourgeois ; le Faubourg de Cologne ; les Faillites de Cupidon ; l’Age de fer ; le Château des fleurs ; les Menus propos ; les Framboisy ; les Choses constitutionnelles ; la Galerie d’Uylenspiegel. C’est, sous ce dernier titre, un défilé de portraits — charge des écrivains, des poètes, des peintres, des comédiens, des chanteuses, des princes et des princesses de l’actualité bruxelloise. Voici, parmi bien d’autres, très vivante sous la déformation du raccourci, la