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aider à la veine ralentie. Dujardin ou Evely s’employait à obtenir d’après l’original un bon photo sur un cuivre préparé. L’artiste ensuite procédait comme pour l’eau-forte, prolongeant ou précipitant le bain, et à chaque épreuve comme pour des états, retouchant, nourrissant, grattant, mettant des accents de crayon, de pastel, de gouache, comme il l’entendait. Rien de plus savoureux comme cuisine : on avait ainsi le mordant à la fois de la gravure et l’onction du morceau peint, avec des effrités de crayon, des gras de touche, des encres d’empâtement, des porosités de couleur à l’huile et tout le feu triomphant des deux métiers réunis. « Pourquoi me donner un mal inutile, puisque le procédé me fournit mes dessous et qu’ensuite c’est moi qui donne à la planche sa vie définitive ? » C’était sa réponse quand on exprimait devant lui le regret qu’il ne fît plus d’eau-forte pure.

Rops, qui avait été l’ouvrier magnifique de sa renaissance, sembla vouloir l’entraîner avec lui dans sa propre disparition prochaine. De toute manière, il la laissa mutilée, frappée au cœur, et presque méconnaissable, sous les altérations que devait lui faire subir un art mitigé d’industrie. Le doigté léger, la fleur d’improvisation firent place à des aspects estompés de fusain, à des approximations onctueuses de peinture en pleine pâte. Mais Rops ne fut-il pas toujours un peintre, qui seulement avait changé de métier, et ce qu’on perdit avec l’aquafortiste des vives, claires et nerveuses morsures de sa manière première, ne le regagna-t-on pas avec cette modalité nouvelle qui créait un genre et fut tout un art sous une pareille main ?