Page:Lemonnier - Félicien Rops, l’homme et l’artiste.djvu/188

Cette page a été validée par deux contributeurs.

ment est une niaiserie et une inutilité… Se laisser aller à sa nature et produire comme le prunier donne ses prunes, là est le vrai… »

Du reste, « au cher pays de Meuse », comme à Paris, comme partout il se cherche et se tourmente de ne pas se trouver. Quelle sincérité et quelle souffrance dans ce cri : « J’entrevois un bel art auquel je ne peux atteindre ! » Cependant rien ne le décourage : après une courte défaillance en 1877, il dit à son bon Théo : « Dans quelques mois peut-être je commencerai à gravir les premières assises de la montagne que je vois se dresser devant moi, pauvre moi ! Je rêve des machines singulières. Je veux faire sortir du cuivre des effets nouveaux. Ce sera d’un art un peu abstrus, mais quelques amis me comprendront et cela m’a toujours suffi jusqu’à présent. »

De quelles « machines singulières » s’agit-il ici ? Il est bien difficile de conjecturer. Essais, idées, projets, « ropsidas », souvent aussi vite délaissés qu’entrepris, sont le moût de ce cerveau toujours en travail. Peut-être y allusionnait-il ses vernis mous ou sa grande alchimie de plus tard, celle des procédés compliqués auxquels tant de mains concoururent.

C’est en 1881 que Hannon publie les Rimes de joie chez Gay et Doucé, J. K. Huysmans lui fait une préface et Rops lui grave quatre cuivres, dont un frontispice. Ah ! la jolie page de péché que celle où le grand pécheur d’intention qu’était alors l’écrivain d’À rebours, vante sa « curiosité des parfums agressifs, des luxes désordonnés, des dessous, des opulences maquillées ». Le frontispice souligne cet éloge capiteux d’un fouillis voluptueux de jupes parmi des culbutis d’amour et d’hilares petits satyres batifolant, mandolinant, cabriolant, se faufilant sous les volants, tandis que, dardée des noirs profonds d’un manteau pareil à un drap de catafalque, la muse du poète, friande fleur de perversité au nu phosphorescent et truffé, d’un geste minutieux semble tailler la plume qui écrivit le recueil. Un des poèmes s’appelle la Buveuse de phosphore ; il la décore de la merveilleuse grande fille classée