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XI


Un jour le canon de Sedan tonna ; ses roulements à dix lieues nettement m’arrivaient dans l’entonnoir des monts mosains où, non loin de Namur, j’habitais alors. Un élan nous emporta, le peintre Eugène Verdyen, mon parent, et moi ; nous entrâmes dans Bouillon comme le soir tombait. Sous la pluie qui ne cessait pas, la débâcle tourbillonnait, chevaux éventrés, sans selle ni cavaliers, rouges fourgons d’ambulances, débris de bataillons, attelages de paysans, le tout cahoté pêle-mêle et roulant comme un fleuve. Une odeur d’écurie et de charnier resuait. Des soldats sous des portes s’affalaient, harassés, grelottants, dormant là un sommeil stupide sous la botte du passant. Et partout la vision horrible du massacre et de la défaite. Nous-mêmes, après avoir pataugé tout un jour dans des labours sanglants, étions exténués. Nous cherchâmes un gîte : plus