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venait pas. Et depuis un mois Martin sentait un délabrement en lui, était pris de vertiges, les jambes veules et flasques. Quand il tomba de l’arbre, comme un fruit blet, Flavie ne se douta pas qu’elle-même l’avait poussé dans le vide.

Le salaire de l’homme manquant désormais, elle s’occupa à la journée. Tout l’août elle moissonna pour les gens du village. À l’automne, on la prit pour bûcheter et feuilleronner dans le bois. Puis l’hiver, elle charria des émondes ; et en outre elle buandait, pâturait les vaches, faisait ci et là de la couture, et les autres jours terreautait, hersait, sarclait, à mi-jambes dans les labours et les fumiers. Des temps prospères il leur restait un peu plus de cent francs, sévèrement épargnés sur le vêtir et le manger et qu’elle gardait à remotis, aimant mieux souquer qu’entamer ce capital. Et de loin des fermiers arrivaient pour l’engager à cause de son renom de bonne ouvrière. Mais elle n’osait pas s’embaucher, retenue par Martin tombé à l’enfance.