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de tout son suc pour son travail d’incessante parturition, sans avoir encore à nourrir le luxe oisif des parasites. Et c’était petit à petit chez l’homme comme de l’attendrissement pour cette soumission de la terre, jadis revêche et qui depuis ne se refusait jamais à la gestation.

Une pitié lui venait devant son éternel labeur d’esclavage ; par moments, il avait le sentiment confus qu’elle allait se révolter ; et Caco mangeant toujours à midi ses trois pommes de terre, il l’eût voulu couché près de l’enfant, sous les sapins, pour dégrever d’autant la complaisante nourricière.

Une nuit, il eut un rêve : il lui parut qu’il était devenu le champ lui-même et qu’un maître jaloux lui tirait des boyaux son dernier sang. Des choux, des carottes, des betteraves, des pommes de terre lui sortaient du ventre, à travers un effort prodigieux ; mais il n’était jamais à bout ; une volonté despotique l’obligeait à engendrer sans relâche ; et finalement ses viscères