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bles que les autres. Ils semèrent de la chaux, de la suie, les cendres du feu ; et à la fraîche, ils écrasaient les loches et les limaces par centaines. Toujours des humidités du sol il en montait des légions ; leurs baves engluaient toutes les feuilles ; c’était comme la colère et le mépris du champ violé pour leur peine jamais à bout. Et ils étaient très malheureux.

Cependant, autour de la terre méchante, dans les enclos prochains, une floraison universelle égayait la masse dense des verdures : elle s’étendait en larges nappes, comme les eaux d’un fleuve ; et, mornes, ils ouvraient leurs narines aux aromes subtils de cette fermentation qui était partout excepté chez eux. Ils reconnaissaient l’odeur épicée de la pomme de terre, les fines effragrances du pois, la balsamique senteur des prédommes, toutes ensemble roulées par le vent dans la chaleur du soleil. Au contraire leur sol suait les purins mal bus, les engrais insuffisamment décomposés, en des souffles fétides qui empoisonnaient les jec-