Page:Lemonnier - Ceux de la glèbe, 1889.djvu/60

Cette page a été validée par deux contributeurs.

bandes symétriques, patiemment foulées. Et, aux endroits les plus pierreux, poussait de l’avoine, végétation volontaire.

D’abord, la croissance avait été prospère ; de proche en proche le verdoiement gagnait ; en tous sens l’aire crevait sous le gonflement des graines ; un acquiescement de la terre jusque-là rebelle et qui ne semblait jamais assez repue, les payait de leur labeur. Entre deux coups de force, l’un auprès de l’autre appuyés sur leurs bêches, ils entendaient monter un crépitement confus, comme des vésicules éclatant à la surface d’un bourbier : c’était leur sueur qui enfantait, toute leur vie qui, fermée du côté de l’enfant, germait là dans la montée des sèves ; et par la nuit tombée, muets, ils demeuraient, sans penser, l’oreille tendue à ces musiques. Mais des pluies abondantes churent en juin, et du sous-sol tout à coup s’échappa derechef la mêlée hirsute des orties, des vulpins, des cataires et des gratioles, l’ancienne forêt dont ils avaient cru triompher et qui repoussait, débordée et goulue.