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casser la terre, à clouer les ais disjoints, dans une dépense de force continuelle, momentanément obturait la plaie toujours vive. Les chevrons du toit s’étant consommés sous les averses, c’était elle qui, grimpée par la tabatière à ras des ardoises, avait au bois pourri substitué de la volige de la dernière coupe ; elle avait aussi planté une haie au courtil, derrière l’habitation, redressé avec de la glaise et des moellons la hutte aux porcs, enduit de brai le pignon ouest contre lequel battaient les pluies, cavé un coin de l’aire pour y enfoncer les pieux d’une grange ; et le reste du temps, elle avait défriché le champ, brouetté les caillasses, éventré la croûte du sol revêche où se rompaient ses bras. C’était chez tous deux une guerre sans trêve contre la terre marâtre, cette pierreuse matrice qu’il fallait ouvrir comme avec des forceps et qui toujours poussait en l’air des cailloux.

Depuis les six ans que le dernier occupant était parti, elle gisait à l’abandon, fermée à la blessure du soc, dans un état de ja-